Il y a quelques années déjà, notre revue publiait un long article de Louis de Montety sur la date de naissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Science et Foi n°55). Peu d’exégètes et d’historiens pensent aujourd’hui que l’an I de Jésus-Christ est en conformité avec le début de l’ère de l’Incarnation, mais qu’importe, Montety était de ceux-là.
En décembre 2016, Henriette Horovitz publiait, à son tour, un ouvrage intitulé ‘Ce jour où le Christ est né’ aux Editions Saint-Jude. Belle et étonnante synthèse d’éléments ‘inconfusibles’, selon ses propres termes, redonnant à l’an I de Jésus-Christ la plénitude de son sens d’année de la Nativité. Sans prétendre, une fois encore, mettre un point final à la recherche des spécialistes, notre rédaction a rencontré et interviewé Madame Horovitz. Nous sommes heureux de vous faire part de cette contribution nouvelle dont la résonnance en matière de foi est essentielle.
Chère Henriette, permettez-moi d’abord de vous présenter à nos lecteurs.
Vous vous définissez comme une « petite chercheuse privée » ayant un hobby-passion pour la chronologie cohérente de Jésus ! En effet, vous êtes infirmière et rien ne vous prédisposait à cette étude.
Vous êtes gantoise, née de père juif et de mère baptisée, votre enfance n’est bercée par aucune pratique religieuse. Cependant, la grâce aidant, vous demandez et recevez le baptême, pendant la deuxième guerre mondiale, le 2 juillet 1941, en la cathédrale Saint-Bavon de Gand (Belgique). Permettez-moi de souligner pour nos lecteurs que Saint-Bavon est une magnifique église gothique flamande et que nous les engageons vivement à aller y admirer l’Agneau mystique des frères Van Eyck ! Et, si c’est en octobre, ils pourront invoquer tout spécialement saint Allowyn qui n’est autre que saint Bavon…
Mais revenons à notre sujet. Vous avez 18 ans lors de votre baptême et une foi vive à ne pas laisser sous le boisseau. Aujourd’hui, vous avez une vingtaine de petits enfants bien étonnés par la persévérance de leur Mamie, bientôt 95 ans, et vous venez de publier, fin 2016, après une cinquantaine d’années de travail, un livre intitulé Ce jour où le Christ est né1 que vous avez d’ailleurs dédié à l’Eglise.
Votre livre, paru il y a un peu plus d’un an, déjà, ouvre de nouveaux horizons. Quel événement vous a donné le déclic pour ce travail ?
En effet, il y a plus de 44 ans, j’ai été très étonnée par les spécialistes de la chronologie de Jésus… qui parfois se contredisent… ou qui se répètent par consensus “entre pairs”… Notons, par exemple, l’”erreur” de Denys Minor qui a d’ailleurs été béatifié récemment par l’Eglise orthodoxe. Ceci a tout simplement aiguisé ma curiosité, mon souhait de vérité.
Mais le “clic” de départ a été l’affirmation de la catéchiste de mes enfants, aux alentours de Noël 1970 : “Rien n’est sûr, mes enfants, à propos de la date du 25 décembre pour la naissance de Jésus… c’est une convention de L’Eglise… ce n’est pas si important…”. Pour moi, c’était jeter le flou dans le coeur des enfants et la suspicion sur l’Eglise. Naquit alors dans mon coeur le désir de m’instruire à fond sur la question, simplement pour essayer d’en avoir le “coeur et”, sans intention de nuire aux spécialistes. D’ailleurs, depuis, certains m’ont vivement encouragée dans ma démarche.
Et puis, chez les Juifs, l’anniversaire est très important ! Le Talmud donne d’ailleurs une série de recommandations pour le jour de notre anniversaire, jour où notre âme nous transmet une puissance nouvelle. Il faut le préparer, le fêter avec ceux qui nous sont chers, remercier Dieu, donner la Tsedaka (aumône), renforcer l’étude de la Torah, réciter les Psaumes de David… Alors, comment aurait-on pu oublier celui de Jésus ?
Il semblait presque établi maintenant, en regardant la littérature de notre époque, que l’an 1 ne correspondrait pas à la naissance du Christ… Vous balayez d’un revers de manche, avec une logique confondante, les tergiversations si nombreuses depuis le XIXème siècle.
Effectivement, j’ai souvent été troublée par l’abondance d’avis contradictoires quant à la date de naissance de Jésus-Christ. Et pourtant, le Messie est bien entré dans notre histoire un Jour J et pas un autre. Or, pourquoi quelques décennies de recherches exégétiques ont mis à mal la tradition de l’Eglise, entérinée depuis le VIème siècle avec les travaux de Denys le Minor ? Pourquoi tant de flou et d’imprécision ? Pourquoi avoir choisi l’année 754 de la fondation de Rome (auc.) comme année I de référence universelle ? Ces recherches assidues ont révélé des éléments cohérents et incontournables qui me permettent d’oser affirmer que Jésus est né le dimanche 25 décembre de l’an I, soit l’année 754 auc. ou encore l’an 3761-3762 du calendrier hébraïque.
Vous avez donc reconstitué les calendriers de 44 AC à 70 du Christ. Comment avez-vous procédé pour joindre tant d’éléments.
Eh bien, nous avions déjà quelques textes de références : les évangélistes en particulier. Saint Matthieu évoque la Nativité et le retour d’Egypte, saint Luc est plus disert sur la conception, la naissance et la circoncision de Jean le Baptiste et sur la naissance de Jésus, offrant l’un et l’autre quelques détails spatio-temporels épars. Luc en particulier précise la garde de la famille Abiah au Temple, le recensement et le gouvernorat de Sulpicius Quirinius en Syrie. Nous savons par ailleurs que ce dernier remplace Lollius, destitué sur le champ pour collusion avec les Parthes, fin 754 auc. La date de la disgrâce de Lollius est un repère choisi pour fixer la présence de Quirinius en Syrie et le début du recensement, début en 755 auc. année quinquennale. D’autre part, les manuscrits de la mer Morte nous offrent des notes calendaires très précieuses. La rigueur scrupuleuse des Juifs en matière de service liturgique nous réservait d’inattendues précisions. En effet, le fragment 4Q321.1.1 retrace le calendrier des gardes sacerdotales du Temple2, réparties sur six ans, et permet de savoir que le service de la famille Abiah, à laquelle appartenait Zacharie, avait lieu deux fois l’an, soit du 8 au 14 du troisième mois et du 24 au 30 du huitième mois solaire, en l’année I sur 6. Tout pouvait désormais s’enchaîner… Il me fallait encore confronter ces données à l’astronomie et les replacer dans l’ensemble des calendriers en vigueur. Notons bien que la compréhension du calendrier hébraïque passe nécessairement par la connaissance de notions élémentaires d’astronomie3 et que celui-ci est à la fois fondé sur le soleil et sur la lune, des mois lunaires et des années solaires.
De plus, le doc. 4Q321 frag.I, col.I, nous apprend que la famille Abiah, la huitième famille sacerdotale, assumait sa semaine de garde en une année 1 sur 6 du cycle des gardes au Temple de Jérusalem ayant un profil astronomique tel que :
le 2ème jour (lundi) de cette même semaine, il y avait pleine lune,
ce lundi était le 25ème jour du 8ème mois solaire,
le mardi, 12ème jour de ce 8ème mois, pendant la garde de la famille Myamin, se présentait le, duqah.
Le sens de ce terme duqah est encore débattu entre les spécialistes4. L’indication de pleine lune dans le Ms 4Q321.1.1, en revanche, pose problème. Pleine lune ou nouvelle lune ? J’ai donc recherché une année avec nouvelle lune qui pouvait correspondre aux autres données du document, et j’ai trouvé une seule année répondant à l’ensemble des éléments : l’an 39 avant JC (-38 des astronomes) / 3722 des hébreux / 715 de Rome, avec l’agréable surprise qu’il s’agissait bien d’une année I sur 6 du cycle des gardes au Temple. Ceci était extrêmement important ! En poursuivant avec ce cycle sexennal, nous pouvons rétrograder de +4 de JC / 757 de Rome (année I/6) vers 1 av JC / 753 de Rome (année 3/6), nous retrouvons alors la garde de la famille Abiah du samedi 18 septembre au samedi 25 septembre, tombant justement cette année-là le Yom Kippour5.
Cette découverte m’était une perle précieuse ! Pour moi qui recherchais l’année de naissance de Jésus, je trouvais enfin une clé, celle de l’annonce de l’Ange à Zacharie, à l’issue de sa semaine de garde, et donc de la naissance de Jean-Baptiste au solstice de juin.
En résumé, ces deux années, -38 et +4 JC. étant chacune une année I sur 6 du cycle des gardes, permettaient de certifier que l’an 3760 des Hébreux, soit 1 AC ou 753 de Rome, était une année 3 sur 6 du cycle des gardes selon la liste retrouvée à Qumran. Or, en cet an 3, nous sommes sûrs qu’un représentant de la famille Abiah (Zacharie sans doute) assumait la semaine de garde du samedi 18 septembre au samedi 25 septembre, an I AC (an 0 des astronomes) ou 753 de Rome ou encore du s. 3 Tichri 3761 hébr. au s. 10 Tichri. Notons également que c’était également le Yom Kippour depuis la veille en fin d’après-midi. Cette fête marque le début de l’an 3761 hébr.
Bientôt 50 ans de recherches et un résultat fantastique, un peu complexe au premier abord ! Pouvez-vous nous expliquer simplement le point central de votre recherche ?
Alors faisons un petit test…
Si la date donnée pour la naissance de Jésus de Nazareth n’est pas précédée, quinze mois plus tôt, par la conception de Jean-Baptiste, alors cette date n’est pas historiquement recevable.
L’annonce à Zacharie s’est produite pendant sa semaine de garde sacerdotale au Temple de Jérusalem en l’an 3 sur 6 des gardes, selon la liste des gardes retrouvée dans les Rouleaux de Qumram.
La date de l’annonce à Zacharie se situe en la semaine de sa garde du samedi 18 septembre au samedi 25 septembre 753 auc. (1 AC).
Si Jean-Baptiste est conçu suite à cette semaine de garde, en tenant compte du temps de retour de Zacharie pour retrouver Elisabeth au début des Tabernacles (14 Tichri), alors sa naissance se situe fin juin 754 auc. / +1 JC, soit neuf mois après.
Donc, l’Annonce à Marie fut faite en fin mars (équinoxe de printemps) 754 / +1 JC, au sixième mois de grossesse d’Elisabeth. La naissance de notre Seigneur Jésus-Christ tombe alors nécessairement fin décembre 754 auc. / +1 JC.
Notons qu’une garde de la famille Abiah eût lieu aussi en une année 3 sur 6, 6 ans plus tôt, en 747 auc., mais cette donnée est irrecevable car elle est inconciliable avec la note de saint Luc concernant 15 Tibère. Si nous avions été dans cette configuration, alors saint Luc aurait écrit 9 Tibère, et non 15.
A propos du ‘15 Tibère’, y a-t-il des recoupements intéressants qui permettent de vérifier et conforter vos assertions ?
Reprenons saint Luc (III 1-3) : “L’an 15 du principat de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée; Hérode, tétrarque de Galilée; Philippe, son frère, tétrarque du pays d’Iturée et de Trachonitide, et Lysanias, tétrarque d’Abilène sous le pontificat d’Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert…”. Notons en passant que l’étude des Manuscrits de la mer Morte montre que Luc s’appuie sur des données rigoureuses.
Or, d’une part, César Auguste meurt le 19 août 14 JC. Le mois de deuil terminé, Tibère accède au pouvoir en septembre 14 JC ou 767 auc. (cf Suétone). D’autre part, Jean Baptiste entame son ministère prophétique dans sa trentième année, âge légal pour prendre la parole en public chez les Juifs, donc logiquement à partir de juin 30 JC. Saint Luc qui n’est pas avare en détails, donne, pour l’apostolat de Jean, l’an 15 de Tibère, soit la 16ème année de règne, c’est-à-dire entre le 19 septembre 29 JC et le 18 septembre 30 JC. Il parcourt alors toute la vallée du Jourdain. En accordant à celui-ci un minimum d’une année de ministère avant que Jésus ne vienne à lui, nous arrivons aux trente ans de Jésus pour son baptême et le début de sa vie publique. Seules ces dates, confortées par Flavius Josèphe, Suétone, et même, par exemple, par les études numismatiques d’Agostino Sferazza, sont compatibles avec l’ensemble des calendriers. Et si l’on considérait, comme certains, que Jésus était né en 6 AC, qu’il avait été crucifié après 30 JC, alors il aurait vécu au moins 36 ans, ce qui est invraisemblable…
Vous avez aussi étudié les années sabbatiques, post-sabbatiques et jubilaires. On peut désormais dater d’autres événements…
Toujours dans saint Luc (IV, 16), Jésus annonce une année jubilaire. Il est donc intéressant de repérer les années jubilaires ou sabbatiques de la vie de Notre Seigneur.
L’année sabbatique, ou Chemita, est la 7ème année d’un cycle septennal où il est prescrit de laisser la terre en repos. Année de componction, de réconciliation, de remise de dettes, etc… pendant laquelle on se nourrit de ce que la terre produit spontanément, conformément aux prescriptions du Lévitique. Elle commence au mois de Tichri. L’année post-sabbatique, ou Haqhel, prend la suite immédiate de la Chemita ; en ce début d’année, le Sanhedrin et le peuple assemblés promettent fidélité à Dieu. L’année jubilaire, également appelée An de Grâce ou Yovel, se présente après sept années sabbatiques, soit sept cycles septennaux. C’est donc la « cinquantième » année (ou, plus exactement, la première des 49 années suivantes), celle du renouveau, du Retour à Dieu, de la libération, remise des dettes… Elle est marquée par les mêmes règles sociales et de travail de la terre que la Chemita. Ces trois années pouvaient ne pas contenir d’embolisme6 selon la décision du Sanhédrin (chef du calendrier). Or, sachant que le Yovel 5510 hébr. tombe en 1750 sous le pontificat de Benoît XIV, j’ai établi la liste des années jubilaires par cycles de 49 ans (7×7) conformément aux notes des Manuscrits de la mer Morte7. Par exemple, nous retrouvons ainsi 3305 hébr. / 456 AC, date de l’édit d’Artaxerxés pour la reconstruction de Jérusalem, 3746 hébr. / 15 AC, année de naissance de Marie, selon Marie d’Agréda, etc… Et le seul Yovel de la vie de Jésus tombe en 35 JC, soit l’année de la Rédemption et le dernier jubilé avant la destruction du Temple.
Et les auteurs anciens ?
Les auteurs romains nous apportent des éléments intéressants quant à la datation de la hiérarchie romaine, en particulier César, Tibère, Lollius, Quirinius, etc… Flavius Josèphe nous renseigne sur nombre d’éléments bien qu’il faille parfois contrôler ses dires8. Il parle en particulier de l’âge d’Hérode à sa nomination, à sa mort, de l’éclipse qui eut lieu quand il destitua Matthias de son pontificat et fit brûler vif les séditieux9. S’appuyant dès lors sur la NASA, on peut constater qu’une éclipse de lune partielle, le 3 mars 6 JC/ 13-14 Adar 3766 hébr., fête de Pourim10, concorde parfaitement avec ces écrits et qu’elle est bien visible à Jérusalem. La chronologie de la vie d’Hérode peut donc être établie précisément. Ensuite des auteurs chrétiens se sont penchés sur les questions de chronologie. Eusèbe de Césarée, dans son Chronikon, et le Père Denis Petau (S.J.) donnent des éléments de comparaison pour les années sabbatiques et jubilaires.
Et Denys le Petit ?
Cette question est fort intéressante, d’autant plus que ce moine érudit et minutieux du VIème siècle est au centre de toutes les discussions… Denys le Petit, ou Minor, a travaillé sur le comput pascal à la demande du pape Jean I, en 525. Il a déduit de ses recherches que l’an de l’Incarnation était bien l’année romaine 754 auc. /1 JC. Il a ensuite constaté que le calendrier chrétien devait débuter le 25 mars 754 auc. / 1 JC (Anno Incarnationis I)11. Dans le Liber Paschate ou les Argumenta, il se réfère une douzaine de fois à l’Année de l’Incarnation, comment peut-on dès lors déduire des travaux de Denys Minor que Jésus Christ est né le 25 décembre 753 auc., … 3 mois avant sa conception ??12
Permettez-moi de vous demander si vous avez été en contact avec des spécialistes actuels de ces questions ? Que vous ont-ils répondu ?
Chers amis, bien sûr ! J’ai échangé sur ces sujets avec un certain nombre de spécialistes des manuscrits de la mer Morte, philosophes, prêtres, astronomes… Citons dans le désordre quelques-uns de ces contacts : les Professeurs Talmon Shemaryhaou, Florentino Garcia Martinez, Emmanuel Tov, le philosophe Claude Gagnon, Roger Stioui l’un des spécialiste du calendrier hébraïque, Thierry Castex pour la mention de restitution inscrite sur le Linceul de Turin qui correspond bien à mes observations calendaires, les observatoires de Bruxelles, Grimbergen et Paris, Fred Espenak de la NASA, Jozef Denoyelle et le Dr Cuypers, le Pr Biémont et bien d’autres encore. Rassurez-vous, je n’ai pas travaillé seule !
Regardez, les lunaisons et éclipses, répertoriées par la NASA ou Jean Meeus, sont vitales pour certains points d’histoire, car chaque année calendaire a son profil personnel. Prenons l’exemple de la mort d’Hérode le Grand. Mes constatations (je ne parle pas d’hypothèses, mais de constats) me permettent d’adhérer fermement à l’éclipse de lune de +6 JC comme étant celle de Flavius Josèphe qui précède la mort d’Hérode le Grand. Elle n’est visible qu’à 50% ? Tant mieux, car si elle avait été totale elle aurait pu être masquée par une mauvaise météo, mais le fait qu’elle soit notée par Nicolas de Damas, même comme éclipse partielle, prouve un ciel dégagé. Les trois éclipses lunaires vers Nissan des années précédentes étaient peu ou pas visibles selon les renseignements reçus des observatoires de la NASA et d’Uccle. S’astreindre à ces observations pourrait obliger certains historiens à reconsidérer l’histoire judéo-chrétienne…
Regardez, les lunaisons et éclipses, répertoriées par la NASA ou Jean Meeus, sont vitales pour certains points d’histoire, car chaque année calendaire a son profil personnel. Prenons l’exemple de la mort d’Hérode le Grand. Mes constatations (je ne parle pas d’hypothèses, mais de constats) me permettent d’adhérer fermement à l’éclipse de lune de +6 JC comme étant celle de Flavius Josèphe qui précède la mort d’Hérode le Grand. Elle n’est visible qu’à 50% ? Tant mieux, car si elle avait été totale elle aurait pu être masquée par une mauvaise météo, mais le fait qu’elle soit notée par Nicolas de Damas, même comme éclipse partielle, prouve un ciel dégagé. Les trois éclipses lunaires vers Nissan des années précédentes étaient peu ou pas visibles selon les renseignements reçus des observatoires de la NASA et d’Uccle. S’astreindre à ces observations pourrait obliger certains historiens à reconsidérer l’histoire judéo-chrétienne…
Par ailleurs, l’étude de Charles Perrot confirme la date de Yom Kippour (10 Tichri) que j’ai retrouvée, selon les données du cycle lunaire de la NASA, en 1 AC / 0 des astronomes / 753 auc. Dès lors, l’annonce de l’Ange à Marie se situe au moment où Elisabeth est enceinte de six mois, la naissance de Jésus neuf mois plus tard, le dimanche 25 décembre I JC / 754 auc. / 3761-3762 hébr. ou même le 28 Choïac (en calendrier syro-macédonien13).
Et puis, nous fêtons Pâques ces jours-ci, pouvez-vous nous donner quelques précisions sur la date de la Pâque au cours de laquelle Notre Seigneur souffrit la Passion ?
Durant la vie publique de Jésus, il n’y a qu’une année sabbatique ; elle commence le 14 septembre 33 JC. De même, pendant toute sa vie terrestre, il n’y a qu’une année jubilaire. Elle commence le 1er Tishri 3795 hébr., fête de Roch Hachana14, ou 2 septembre 34 JC, et fait donc suite à cette année sabbatique. Or, cinq jours auparavant, le dernier shabbat qui précède cette date, Jésus annonce ce Yovel, à la synagogue, quand il lit le chapitre LXI, 2 d’Isaïe non seulement pour en confirmer la prophétie, mais encore pour annoncer son accomplissement15. Si Jésus annonce cet An de Grâce, c’est qu’il n’est donc pas mort… comme le laisseraient penser tant de dates évoquées aujourd’hui. Eusèbe de Césarée et le Père Petau confirment cette année jubilaire qui se termine le 1er Tishri 3796 hébr. / 22 septembre 35 JC. Cette année sabbatique est également confirmée par Flavius Josèphe.
Ceci ne nous donne toujours pas la date de crucifixion de Jésus… Continuons donc. On s’étonnera, à bon droit, de ne pas trouver une pleine lune le 24/25 mars 35 JC, ce qui voudrait dire que Pessah (la Pâque juive) n’a pas eu lieu, cette année, le 14 Nissan. Or, la stricte régularité du calendrier hébraïque débute seulement sous Hillel II, au IVème siècle. Auparavant, le Sanhédrin avait tous les pouvoirs décisionnels sur le calendrier pour y ajouter ou non un embolisme. Rappelons que pour fixer Pessah, deux règles devaient être strictement observées : la pleine lune du 15 du mois de Nissan et l’équinoxe de printemps. Or, l’an 33-34 JC aurait dû être une année embolismique pour rattraper l’équinoxe de printemps, mais c’était une année sabbatique. Habituellement, on ajoutait, dans ce cas d’interdiction formelle, un embolisme pendant l’année qui précédait ou suivait. Mais l’année suivante est jubilaire. Cette année sans Veadar16 amène la pleine lune de printemps le 15 Nissan, soit treize jours avant l’équinoxe de printemps… Impossible ! Il fallut donc postposer les cérémonies de Pessah au Temple à l’équinoxe du 24-25 mars, soit les 26-27 Nissan 3795 hébr. (vendredi 25 – samedi 26 mars 35 JC). Selon le Talmud, seule la fête de Pessah peut être postposée en cas de nécessité17. Le Seder familial18 fut donc célébré le soir du jeudi 24 mars 35 JC, les célébrations commençant dès le soir du jour qui précède Pessah. La crucifixion de Jésus ne put donc avoir lieu qu’entre le Seder familial du jeudi et le soir très solennel du vendredi au Temple, qui ouvrait le décompte de l’Omer de Pessah à Chavouot19, soit cinquante jours.
Il est encore intéressant de souligner que Pessah ne tombe un jour de Shabbat qu’en 33 de JC – mais cette date ne concorde pas avec le 15 Tibère – et en 35 JC en raison d’un Pessah postposé. Ce samedi 26 mars 35 JC fut donc Pessah.
Je voudrais ajouter que sur le Linceul, des inscriptions en araméen ancien ont été découvertes et traduites par Barbara Frale. Cette inscription indique probablement la date prévue et limite pour la restitution du corps à la famille, douze mois lunaires après le décès. Or cette inscription АΔАU ou UАΔА, selon le sens de lecture, semble correspondre – le U signifiant deux ou ש – à רדאשי ou ve adar (Adar II). Or, si Jésus a bien été enseveli le 27 Nissan / 25 mars 35, si l’on ajoute douze mois lunaires, on obtient le 13 mars 36 ou 26 Adar II, sachant qu’il s’agit d’une année bissextile et embolismique. Si Jésus était mort sur la Croix le 16 Nissan 3790/ 7 avril 30, alors la date de restitution aurait été le 15 Nissan 3791 : pas de Veadar… Si la mise au tombeau avait eu lieu en 32, la date de restitution aurait été 14 Nissan : pas de Veadar non plus… L’année 35 proposée pour la Passion de Notre Seigneur est donc tout à fait probante et cohérente avec l’inscription du Saint Suaire.
Un petit coup de coeur au cours de ces recherches ?
Je voudrais vous raconter tant de choses… Bien que nous fêtions Pâques ces jours-ci, je voudrais souligner ce beau symbole de Noël. Le 25 décembre I JC/ 754 auc. tombe le 25 Kislev 3761 hébr., soit le dimanche de Hanoukah20. Ce soir-là, dans la veillée du 24 décembre donc, alors que Marie s’apprêtait à mettre au monde Jésus, les Juifs allumaient la première lampe de la Hanoukia et priaient ardemment… et devinez pour quoi… A quoi correspond cette première lampe ? Elle est dédiée à l’attente du Messie ! N’est-ce pas là aussi un symbole magnifique ? Alléluia !
[NOTE 1] H. HOROVITZ, Ce jour où le Christ est né. Cabestany : Editions Saint-Jude, 2016.
[NOTE 2] M. WISE, M. ABEGG, E. COOK, Les manuscrits de la mer Morte. Paris : Perrin, 2001. Le cycle des gardes du Temple était basé sur le calendrier du Sanhédrin qui commençait à l’équinoxe de printemps.
[NOTE 3] NDLR : Ceux qui souhaitent comprendre dans toutes ces finesses le calendrier hébraïque pourront se reporter avec grand intérêt au livre suivant qui fait référence : R. STIOUI, Le calendrier hébraïque. Paris : Colbo, 1988.
[NOTE 4] M. WISE, M. ABEGG, E. COOK, Les manuscrits de la mer Morte. Paris : Perrin, 2001. P. 374-375.
[NOTE 5] NDLR : Jour du Grand Pardon. Cette fête très sainte dans le calendrier juif fait suite à une période de jeûne insérée entre Roch Hachana, nouvelle année calquée sur la date de la Création, et ce jour.
[NOTE 6] NDLR : L’embolisme est un treizième mois, dit Adar II ou veadar, ajouté par le Sanhedrin avant le 30 du mois d’Adar. Ce mois répond à certaines conditions : Pessah, c’est-à-dire la Pâque, doit être précédée par la Tekoufa de Nissan (cf équinoxe). De même, la maturation des blés et fruits peut jouer sur cet ajout.
[NOTE 7] M. WISE, M. ABEGG, E. COOK, Les manuscrits de la mer Morte. Paris : Perrin, 2001. p. 376.
[NOTE 8] J’ai largement développé ce point dans mon livre Ce jour où le Christ est né.
[NOTE 9] FLAVIUS JOSEPHE, Antiquités juives, XVII 6, 2-4. Guerre des Juifs, I, 33, 2-4.
[NOTE 10] NDLR : la fête juive de Pourim correspond au jeûne d’Esther. La commémoration de l’événement est imposée aux Juifs de tous les temps en souvenir de ce jour où Dieu les délivra de la main d’Aman. Cf Esther IX.
[NOTE 11] DTC IV, 448-449
[NOTE 12] NDLR : Nous encourageons le lecteur latiniste à se référer aux Epistolae et Argumenta de Denys le Petit afin de comprendre la complexité de ses démonstrations pour fixer la date de Pâques. Elles se réfèrent aux épactes, indictions, lunes, etc… avec pour référence de départ la première année de l’Incarnation. J.P. MIGNE, Patrologia Latina, vol.67.
[NOTE 13] En effet, un papyrus trouvé à Oxyrhynque, en Egypte, indique le 28 Choïac comme veille de la naissance de Jésus. Choïac est le quatrième mois du calendrier copte et commençait le 27/28 novembre de chaque année. Les animaux étaient mis sur le pré la dernière semaine de Choïac. Ceci conforte la présence des bergers à Bethléem en la nuit de la nativité de Jésus !
[NOTE 14] NDLR : Roch Hachana marque le nouvel an de l’année civile hébraïque, l’anniversaire de la création du monde. C’est aussi la commémoration du sacrifice d’Isaac.
[NOTE 15] Cf Saint Luc IV,16. Aujourd’hui encore, la lecture d’Isaïe se fait dans les synagogues le dernier shabbat de l’année.
[NOTE 16] NDLR : Mois complémentaire ajouté en cas d’embolisme.
[NOTE 17] Mais le cas ne cette année 35 ne s’est plus reproduit en raison du calendrier figé par Hillel II.
[NOTE 18] NDLR : Ce Seder familial, habituellement célébré le 14 Nissan, est un repas familial de commémoration de la Pâque ou passage des Hébreux, lors de la sortie d’Egypte. Il regroupe les plats symboliques de cet événement en particulier les herbes amères et les pains non levés.
[NOTE 19] NDLR : La période de l’Omer est une supputation de 49 jours, soit sept semaines entières du deuxième jour de Pessah à Chavouot. L’Omer est une mesure d’orge apportée au Temple, dès ce deuxième jour de la Pâque. Chavouot est une fête située, donc, cinquante jours après Pessah. C’est la fête des Prémices.
[NOTE 20] NDLR : La fête de Hanoukah commémore, chez les Juifs, la purification du Temple reconquis par les Hasmonéens, après sa profanation par les Grecs. C’est à cette occasion qu’eut lieu le miracle de la fiole d’huile consacrée qui n’était suffisante que pour servir un soir, et qui, miraculeusement se renouvela durant huit jours. A l’occasion de cette fête, les Juifs allument chaque jour une lampe de la Hanoukia, chandelier à huit branches.